"Un îlot perdu dans l'océan Indien... quelques récits de voyageurs, une ou deux photos... il n'en faut pas plus à l'auteur pour quitter son univers urbain et s'expatrier plusieurs mois sur l'île aux Nattes, au large de Madagascar, quintessence du concept îlien, avec "la ferme intention de vivre sans les béquilles que la société moderne fait passer pour indispensables."
Pourtant, une fois déchiré le voile du fantasme, la réalité rattrape vite le fugitif... A commencer par les réalités personnelles. Partir hors du monde n'est pas partir hors de soi... Sur cette île sans issue, Didier Tronchet fait l'apprentissage d'une autre vie, non pas en solitaire, mais avec une bombe à retardement devant lui, sur la pirogue, un adolescent, son fils Antoine..."
Format : broché (15,8 x 1,5 x 12,1 cm - 144 pages)
Editeur : Elytis
ISBN : 235639222X
– EXTRAIT –
MÊME PAS UNE ÎLE : un îlot. Deux kilomètres sur deux. Venir vivre ici était une folie, au regard de tous les critères rationnels en vigueur. C’est évidemment ce qui m’a plu. À quand remonte ma dernière vraie folie ? Il me semble que si on connaissait les vraies raisons qui nous animent, on ne partirait jamais. Je n’ai donc pas trop réfléchi à ce qui était en jeu.
Sans doute le fantasme de l’île, toujours vivace. Le désir d’être coupé du monde : savoir s’il est possible de vivre sans toutes les béquilles qu’une société moderne a fait passer pour indispensables.
Mais les îles sont ensorceleuses. Et celle-ci n’avait pas l’intention de me laisser indemne. J’ignorais encore ce qui était plus profondément à l’œuvre et que sans doute j’étais venu déranger. Avec cette bombe à retardement, devant moi sur la pirogue. Un adolescent. Mon fils.
LES MAINS D’ANTOINE pincent les bords de la pirogue. Et son regard fixe l’île, droit devant. Je ne vois que sa nuque et sa touffe de cheveux agitée par le vent, mais je devine son sourire jusqu’aux oreilles. Dans un instant, il aura traversé le miroir de Google Earth. Il sera dans la projection satellite. Sur l’ordinateur de la maison, il avait zoomé le moindre pouce carré de l’île, il en connaissait tous les chemins sans y avoir jamais mis les pieds.
Le rivage de cocotiers s’approche, lentement. La profondeur ne doit pas excéder un mètre. L’île est cernée par une barrière de corail. Aucune vague, mais un courant contre lequel la pirogue doit lutter. Je laisse ma main goûter le fil de l’eau. Elle est à plus de 30 °C.
Le piroguier a des gestes de gondolier vénitien. À un endroit, le bâton ne touche plus le fond, il le remplace alors par une pagaie et rame un moment. Notre diagonale va bientôt rejoindre le rivage. On distingue maintenant un ponton, avec un petit toit de feuilles qui abrite une table, deux bancs. Antoine reconnaît la photo satellite, sans les pixels. L’image va devenir réalité.